20
Le lundi matin à dix heures, Bel, qui attendait depuis une heure postée à la fenêtre du salon, vit la luxueuse voiture Delage s’arrêter devant l’entrée de l’immeuble.
Elle fila vers la porte en se retenant de courir tant elle était impatiente.
— Izabela, tu dois être de retour à quatre heures précises, lui rappela Maria Georgiana.
— Je ne serai pas en retard, senhora da Silva Costa, c’est promis !
Quand elle monta dans la voiture, Bel remarqua que Margarida portait une jupe bleu marine et un chemisier de popeline tout simple, alors qu’elle-même s’était habillée comme pour aller prendre le thé au Ritz.
Margarida à son tour avisa la tenue de Bel.
— Désolée. J’aurais dû te prévenir. Les Beaux-Arts sont pleins d’artistes sans le sou qui regardent de travers les filles de nantis comme nous. Même si c’est notre argent qui paie les professeurs, ajouta-t-elle malicieusement en rejetant une mèche de ses courts cheveux bruns derrière son oreille.
— Je comprends, soupira Bel. Mais je dois donner l’impression à la senhora da Silva Costa que les cours ne sont fréquentés au contraire que par des jeunes filles bien élevées.
Margarida rejeta la tête en arrière et éclata de rire.
— Bel, je te préviens, à part une vieille tante célibataire et une… créature que je crois être une femme mais qui a les cheveux aussi courts qu’un homme, et, je te jure, une moustache, nous sommes les seules filles !
— Et ta mère approuve ? Pourtant, elle a bien une idée du public…
— Peut-être pas une idée complètement juste, répondit Margarida avec honnêteté. Mais comme tu le sais, elle défend l’égalité des hommes et des femmes. Et donc, elle pense que c’est bon pour moi d’apprendre à me battre dans un environnement dominé par les hommes. En plus, comme j’ai une bourse du gouvernement brésilien, je suis tenue de m’inscrire aux meilleures écoles qui existent, conclut-elle en haussant les épaules.
Alors que la voiture descendait l’avenue Montaigne, en route vers le pont de l’Alma, Margarida observa Bel avec un intérêt non déguisé.
— Ma mère m’a dit que tu étais promise en mariage à Gustavo Aires Cabral, dit-elle. Je m’étonne qu’il t’ait laissée libre de partir à Paris.
— C’est vrai, nous sommes fiancés, répondit Bel. Mais Gustavo a tenu à ce que je connaisse l’Europe avant de devenir sa femme. Il a lui-même fait le voyage il y a huit ans.
— Dans ce cas, il faut que tu profites au maximum de tes journées. Izabela, tu ne répéteras à personne ce que tu verras ou entendras aujourd’hui, n’est-ce pas ? Ma mère croit que je reste aux Beaux-Arts jusqu’à quatre heures, mais… Ce n’est pas tout à fait vrai.
— Ah. Et où vas-tu alors ? interrogea Bel, masquant sa curiosité.
— Pour le déjeuner, je vais retrouver mes amis à Montparnasse. Mais tu dois me jurer que tu ne diras jamais rien.
— Évidemment, acquiesça Bel, contenant à grand-peine son excitation.
— Ces gens-là sont un peu… Excentriques, disons. Tu seras peut-être choquée.
— J’ai déjà été renseignée par quelqu’un d’averti, dit Bel en se tournant vers la fenêtre au moment où la voiture traversait la Seine.
— Pas par le senhora da Silva Costa, j’imagine.
Elles pouffèrent toutes les deux.
— Non, par un jeune sculpteur que j’ai rencontré à l’atelier du professeur Landowski quand j’y suis allée avec le senhor da Silva Costa.
— Comment s’appelait-il ?
— Laurent Brouilly.
— C’est vrai ? s’exclama Margarida en haussant un sourcil. Je le connais. Du moins, je l’ai croisé plusieurs fois à Montparnasse. Il remplace parfois le professeur Landowski à l’école quand celui-ci est retenu par d’autres obligations. Quel bel homme !
Bel prit une profonde inspiration.
— Il m’a demandé de poser pour lui, avoua-t-elle, soulagée de pouvoir partager son émotion.
— Ah oui ? Eh bien, tu devrais être honorée. J’ai entendu dire que monsieur Brouilly était très difficile pour le choix de ses modèles. C’était un étudiant prodige aux Beaux-Arts, on lui prédit un avenir glorieux. (Margarida regarda Bel avec un regain d’admiration.) Dis-moi, Izabela, tu caches bien ton jeu, fit-elle remarquer tandis que la voiture s’arrêtait dans une rue transversale.
— Où est l’école ? demanda Bel en jetant un regard tout autour.
— Deux rues plus loin, mais je n’aime pas qu’on me voie arriver dans ce luxueux équipage, expliqua Margarida. Les autres viennent pour la plupart à pied, certains font des kilomètres et n’ont peut-être même pas pris de petit déjeuner. Allez, suis-moi.
L’entrée des Beaux-Arts, fermée par une belle grille en fer forgé, était encadrée par les bustes des artistes français Pierre Paul Puget et Nicolas Poussin. Les deux jeunes filles pénétrèrent dans la cour carrée, entre d’élégants bâtiments en pierre de taille. Les hautes fenêtres cintrées du rez-de-chaussée rappelaient le cloître qui s’élevait autrefois à cet endroit.
Ayant franchi la porte principale, elles avancèrent dans le grand hall où se pressait une foule bruyante. Une jeune femme mince les frôla au passage.
— Margarida, elle est en pantalon ! s’exclama Bel.
— Oui, comme beaucoup d’étudiantes. Tu nous imagines arriver au Copacabana Palace pour prendre le thé, habillées comme des hommes ! Ici, personne n’en est choqué.
Elles entrèrent dans une vaste salle de cours où la lumière tombant d’immenses fenêtres éclairait des rangées de bancs en bois. Les étudiants prenaient place, sortant leurs cahiers et leurs crayons.
Bel était déroutée.
— Mais… Personne ne porte de tablier ?
Margarida vérifia son emploi du temps.
— « Technique de la sculpture sur pierre », lut-elle. Nous apprenons d’abord la théorie, et plus tard, nous aurons l’occasion de la mettre en pratique.
Un homme d’âge mûr – qui, à voir ses cheveux en bataille, ses yeux injectés de sang et sa barbe de trois jours, avait l’air de sortir du lit – se plaça devant le tableau.
— Bonjour. Aujourd’hui, je vais vous présenter le matériel nécessaire à la sculpture sur pierre, annonça-t-il à la classe.
Ouvrant une boîte en bois, il posa sur le bureau une série d’outils qui, aux yeux de Bel, ressemblaient à des instruments de torture.
— Ceci est un burin, qui sert à dégrossir la pierre pour la préparer à recevoir sa forme. Ensuite, vous utiliserez une gradine, ou ciseau à dents, afin de supprimer les inégalités et d’affiner la texture…
Bel écoutait intensément. Mais bien que son français fût excellent, le professeur parlait si vite qu’elle peinait à suivre ses explications, d’autant qu’elle ignorait le vocabulaire technique.
Finalement, elle renonça et s’amusa plutôt à observer les autres étudiants. Jamais elle n’avait vu bande plus disparate, avec leurs habits dépenaillés, leurs moustaches mal taillées, leurs barbes et cheveux hirsutes. Bel épia son voisin du coin de l’œil et vit qu’il n’était guère plus âgé qu’elle. Elle avait conscience de détonner dans ses vêtements de linge fin.
Elle qui, à Rio, se considérait comme une rebelle, épousant discrètement mais passionnément la cause des femmes, affichant son mépris pour les biens matériels. Et surtout, refusant en son âme de chercher un bon parti.
Mais ici… Bel se sentait comme une princesse d’un autre âge, tirée à quatre épingles, dans un monde qui avait laissé les règles de la bonne société loin derrière. Il était évident que personne ici ne se souciait des conventions ; en fait, pensa-t-elle, chacun estimait probablement qu’il était de son devoir de les combattre.
À la fin du cours, quand les étudiants ramassèrent leurs affaires et sortirent de la pièce, elle était très mal à l’aise.
— Tu es toute pâle, dit Margarida. Ça ne va pas, Izabela ?
— Il fait atrocement chaud ici, mentit-elle en sortant de la salle.
— Je suis désolée, ce cours n’était pas facile pour toi. Tu verras, les exercices pratiques sont bien plus amusants. Veux-tu marcher un peu avant d’aller déjeuner ?
Bel fut heureuse de retrouver la fraîcheur du dehors, et, tout en remontant la rue Bonaparte en direction de Montparnasse, elle écouta le gai bavardage de sa compagne.
— Je ne suis à Paris que depuis six mois, expliqua Margarida, mais je m’y sens déjà comme chez moi. Nous avons passé trois ans en Italie, et nous allons rester encore deux ans ici. Je crois que ce sera difficile de rentrer au Brésil après plus de cinq ans en Europe.
— Oui, sûrement.
Elles empruntèrent des rues étroites, longeant des terrasses de cafés où les clients, assis à de petites tables en bois, s’abritaient du soleil de la mi-journée sous des parasols de toutes les couleurs. L’air fleurait bon le tabac, le café et l’alcool.
— Qu’y a-t-il dans ces petits verres que tout le monde boit ? interrogea Bel.
— Oh, de l’absinthe. La boisson préférée de tous les artistes parce que ce n’est pas cher, et très fort. Personnellement, je trouve ça atrocement mauvais.
De temps à autre, des hommes leur lançaient des regards admiratifs, mais ici, deux femmes qui se promenaient sans être chaperonnées par une vieille douairière ne s’attiraient aucun regard désapprobateur. L’idée qu’enfin elle se trouvait à Montparnasse emplit Bel d’allégresse.
— Allons à La Closerie des Lilas, déclara Margarida. Avec un peu de chance, tu verras des visages connus.
Margarida indiqua un café qui ressemblait à tous les autres, et, se frayant un chemin entre les tables installées dehors sur le large trottoir, entraîna Bel à l’intérieur. Elle s’adressa au serveur dans un français parfait et il les conduisit à une table sur le devant de la salle, près de la fenêtre.
— Là, dit-elle en s’asseyant à côté de Bel sur la banquette en cuir. C’est d’ici que l’on peut le mieux observer les habitants de Montparnasse. Nous allons voir combien de temps ils mettront pour te remarquer…
— Pourquoi moi ? demanda Bel.
— Parce que, ma chérie, tu es incroyablement belle. Et que pour une femme, à Montparnasse, il n’y a pas meilleure monnaie d’échange. Je leur donne dix minutes avant de vouloir savoir qui tu es.
— Tu les connais, toi ?
— Oh oui. C’est un tout petit milieu ici, tout le monde connaît tout le monde.
Leur attention fut attirée par un homme aux cheveux gris rejetés en arrière qui s’approchait d’un piano à queue, encouragé par la tablée qu’il venait de quitter. Il s’assit et commença à jouer. Un silence total tomba dans le café. Bel se laissa envahir par la mélodie dont le rythme allait crescendo. La note finale plana longtemps, jusqu’à ce que des exclamations enthousiastes jaillissent de toutes parts et que l’homme regagne sa table.
— Je n’ai jamais rien entendu de pareil, murmura Bel, saisie d’admiration. Qui était le pianiste ? Il est incroyable.
— Querida, c’était Ravel en personne, et le morceau s’appelle le Boléro. Il n’a pas encore été donné en public. Tu te rends compte, j’espère, que nous en avons eu la primeur ! Bon, tu es prête à commander ?
Margarida avait eu raison, elles ne restèrent pas seules longtemps. L’un après l’autre, des hommes de tous âges vinrent la saluer et s’enquirent aussitôt de savoir qui était sa magnifique compagne.
— Ah, encore une de vos compatriotes aux yeux de velours et au sang chaud, commenta un monsieur très élégant dont Bel était certaine qu’il portait du rouge à lèvres.
Les hommes la dévisageaient si longuement qu’elle se sentait rougir, à peu près autant que les radis dans l’assiette à laquelle elle ne toucha pas. Elle était bien trop euphorique pour manger.
Tour à tour, les artistes proposaient de la peindre, d’immortaliser sa beauté à jamais… Ils disaient que Margarida savait où se trouvait leur atelier. Puis ils s’inclinaient et repartaient. À intervalles réguliers, un serveur apportait un verre plein d’un liquide étrange en annonçant : « Avec les compliments du monsieur de la table six… »
— Bien évidemment, tu ne poseras pour personne, expliqua Margarida. Ce sont des surréalistes, ce qui signifie qu’ils capteront seulement ton essence, pas ta forme physique. De toute façon, même si tu étais leur modèle dans le sens traditionnel du terme, tu deviendrais une flamme rouge pour représenter la passion, avec ton sein dans un coin du tableau et ton œil dans l’autre ! dit-elle en riant. Tiens, essaie celui-là, c’est de la grenadine. J’aime beaucoup.
Margarida lui tendit un verre au contenu écarlate, puis s’écria :
— Izabela, vite ! Regarde à la porte ! Tu sais qui c’est ?
— Oui, souffla Bel en avisant l’homme mince aux cheveux bruns ondulés qui entrait dans le café. Jean Cocteau.
— Tout juste. Le prince de l’avant-garde. Il est fascinant, et très gentil.
— Tu le connais ? s’étonna Bel.
— Un peu, répondit Margarida en haussant les épaules. Il m’a demandé de jouer du piano plusieurs fois.
Tout occupée à observer monsieur Cocteau, Bel ne remarqua pas un jeune homme qui s’approchait de leur table.
— Mademoiselle Margarida, vous m’avez énormément manqué. Et… Mademoiselle Izabela, c’est bien cela ?
Détachant son regard de l’assemblée parmi laquelle avait pris place Jean Cocteau, Bel se retrouva les yeux dans les yeux avec Laurent Brouilly. Aussitôt, son cœur se mit à cogner dans sa poitrine.
— Oui. Excusez-moi, monsieur Brouilly, j’étais distraite.
— Mademoiselle Izabela, votre intérêt était retenu par un personnage bien plus captivant que moi, dit-il en lui souriant. Je ne savais pas que vous vous connaissiez, toutes les deux.
— Nous nous sommes rencontrées il n’y a pas longtemps, expliqua Margarida. Je fais découvrir les joies de Montparnasse à Izabela.
— Je suis certain qu’elle les apprécie.
Au regard éloquent que Laurent jeta à Bel, il était évident qu’il se rappelait chaque parole de leur conversation.
— Comme vous pouvez l’imaginer, tous les artistes présents ici ont supplié de la peindre. Mais bien sûr, je l’ai mise en garde.
— Je vous en suis fort reconnaissant. Car, ainsi que Mademoiselle Izabela le sait, elle m’a été promise en premier. Merci d’avoir défendu sa vertu « artistique » pour moi, dit Laurent avec un sourire.
Peut-être sous l’effet de l’alcool, ou à cause de l’exultation qu’elle éprouvait à se sentir mêlée à ce monde incroyablement nouveau, Bel frissonna de plaisir en entendant ces mots.
Un jeune homme très bronzé qui avait surgi derrière Laurent se présenta à son tour devant leur table.
— Mademoiselle, monsieur Cocteau et ses amis requièrent d’entendre vos merveilleux talents au piano. Il demande que vous jouiez son air préféré. Vous savez lequel ?
— Je suis très honorée, même si je ne parviens pas à la cheville de monsieur Ravel, déclara Margarida en se levant et en inclinant gracieusement la tête dans la direction de la table de Ravel.
Bel suivit des yeux son amie qui alla prendre place sur le tabouret occupé un instant plus tôt par Ravel. Des acclamations fusèrent dans la salle.
— Puis-je m’asseoir à vos côtés pendant qu’elle joue ? demanda Laurent à Bel.
— Bien sûr.
Laurent s’installa sur l’étroite banquette, sa hanche pressée contre celle de Bel. Une fois encore, elle s’émerveilla du naturel avec lequel tous ces gens s’accommodaient d’une grande intimité physique.
Le silence se fit quand s’élevèrent les premiers accords de Rhapsody in Blue de Gershwin. Laurent, après avoir considéré la multitude de verres pleins éparpillés sur la table, en choisit un autour duquel il referma ses longs doigts noueux.
Sous la table, il posa négligemment son autre main sur sa cuisse. Mais, peu à peu, sa main se déplaça jusqu’à effleurer la robe de Bel.
Bel n’osait plus bouger. Tout son corps était électrifié, et le sang battait follement dans ses veines tandis que la musique atteignait un paroxysme.
— Mademoiselle Margarida est vraiment douée, n’est-ce pas ?
Bel perçut un souffle chaud contre son oreille et réussit à peine à hocher la tête.
— J’ignorais ses talents de pianiste, parvint-elle à articuler alors que les applaudissements éclataient à tout rompre dans le café.
— Je crois fermement que lorsque quelqu’un est né créatif, dit Laurent, son âme est comme un ciel rempli d’étoiles filantes ; un globe en constante rotation vers la muse qui capte son imagination. Bien des gens dans cette salle sont capables, non seulement de dessiner et de sculpter, mais aussi d’écrire de la poésie, de jouer de divers instruments, de faire pleurer un public par leur jeu d’acteur et de chanter comme les oiseaux dans les arbres. Ah, mademoiselle… Vous êtes une virtuose !
Laurent se leva et s’inclina avec admiration devant Margarida qui revenait s’asseoir.
— Monsieur, vous êtes trop aimable, répondit Margarida modestement en prenant place.
— Et il me semble que nous allons bientôt partager un atelier. Le professeur Landowski m’a appris que vous serez stagiaire chez nous pendant quelques semaines.
— Il l’a suggéré, oui, mais je ne voulais en parler à personne avant que ce ne soit confirmé, répondit Margarida. Je serais très honorée qu’il m’accepte comme élève.
— Il vous trouve pleine de capacités. Enfin, pour une femme…, ajouta-t-il d’un air taquin.
— Je prends cela pour un compliment, répliqua Margarida en lui souriant.
— Si vous travaillez à l’atelier, continua Laurent, peut-être pourriez-vous chaperonner Mademoiselle Izabela pendant qu’elle pose pour moi ?
— Nous allons chercher un moyen, oui… Il est l’heure pour nous de partir. À bientôt, monsieur Brouilly.
Elle l’embrassa sur les deux joues, et Bel se leva aussi.
— Mademoiselle Izabela, on dirait que le destin conspire à nous réunir. J’espère que la prochaine fois, notre entrevue durera plus longtemps.
Laurent plongea son regard dans les yeux de Bel tandis qu’il déposait un baiser sur sa main. Et, si naïve fût-elle, elle comprit immédiatement le message.
* * *
Par chance, quand Bel arriva à l’appartement, Maria Georgiana se reposait dans sa chambre. Maria Elisa, en revanche, lisait un livre au salon.
— Comment c’était ? demanda-t-elle en voyant entrer Bel.
— Merveilleux !
Bel se laissa tomber dans un fauteuil, nerveusement épuisée, mais encore tout à son exaltation d’avoir rencontré Laurent.
— Tant mieux. Alors, qu’as-tu appris ?
— Oh, la panoplie des outils utilisés dans la sculpture sur pierre, répondit-elle distraitement, la bouche pâteuse à cause de l’alcool qu’elle avait bu.
— Pendant six heures ? fit Maria Elisa en l’examinant d’un air soupçonneux.
— À peu près, oui. Sauf que nous sommes allées déjeuner et… Cette journée m’a éreintée. Je crois que je vais m’allonger un peu avant le dîner, ajouta-t-elle en se levant brusquement.
— Bel ?
— Oui ?
— Tu as bu ?
— Non… Enfin, juste un verre de vin avec le repas. Après tout, c’est la coutume à Paris.
Bel partit vers la porte, se promettant à l’avenir de ne plus consommer ce qui était servi sur les tables rustiques de La Closerie des Lilas.